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Les petites histoires de Serge
23 février 2013

Bouclez le périmètre ! - épisode 2

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    La cloche vient de sonner et l’enseignant se dirige fièrement vers son glorieux destin, mais les moijeux, déficients auditifs chroniques, continuent de gambader dans la cour, à la recherche joyeuse de quelque objet insolite à placer entre leurs délicates paluches, de l’innocente marguerite pour les unes, très fleur bleue, aux objets extrascolaires les plus incongrus, lesquels se sont sournoisement échappés du cartable selon une curieuse loi de probabilité, en passant par la sacro-sainte pomme en état de décomposition avancée – d’une valeur inestimable ! – dénichée par mon cher Farfouille. Moi l’enseignant, digne berger de mon troupeau en perpétuel effervescence, pasteur de mes brebis égarées au fin fond de leur vide intérieur, m’émeut quelques instants, constatant avec quelle célérité le cueilleur du jour, un instant pétrifié par ma soudaine apparition, essuie son fragile moignon sur la veste d’un voisin toujours aveuglé par mon aura sublime, lui.

    Mon regard se remet en mode panoramique : d’autres moijeux divaguent encore dans la cour par petits groupes. Je bous intérieurement mais mes lèvres restent closes ; il ne fait pas bon déranger les conversations philosophiques des Moijeux. En tant que berger, il est cependant de mon devoir d’amener le troupeau vers la Connaissance en rang serré, ne serait-ce que pour passer sans encombre la porte d’entrée du bâtiment, en évitant de faire bomber le dormant de celle-ci. Calmement, je m’applique à canaliser les brebis pleine de vie en faisant rempart de mon corps autour d’un rectangle virtuel ; voyez comme ils s’activent à rentrer dans le rang ! Tel un chasse-neige imperturbable, je poursuis ma route rectiligne en écrasant leur bulle sociale comme on claque un malabar trop gonflé. Une telle proximité les rend dociles, inquiets, silencieux. Je ne suis pas peu fier de ma marche victorieuse et mes cordes vocales ont été préservées pour les répétitions de chorale, cerise sur le gâteau. Victoire sans coup férir, ni exclamation inutile, ni parabole oiseuse, ni SMS rageur.
    Facile.

   À la fin de mon périple autour des Moijeux désormais bien agglomérés, je lance à l’assemblée rectangulaire de longueur douze et de largeur deux :
    - Voilà, j’ai fait le périmètre de la classe ! Allez-y !
   Et de pointer mon bras en direction de la porte du bâtiment qui gît là, à une dizaine de mètres, soulagée quand même.
    Pendant que la section se met en branle, Farfouille me répond tout de go :
    - Et ça fait combien ?
    Ah, mes Moijeux… ils perdent jamais le nord…
    (Quoique.)

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